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SPORT: Les MARQUES dans la mélée

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Le sport business attire de plus en plus d'annonceurs, même éloignés de l'univers sportif. La Coupe du monde de rugby a largement illustré ce phénomène.

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«Le sport est un atout pour le groupe Lagardère car c'est un marché mondial, fragmenté et en forte croissance. C'est une véritable économie et pas seulement un hobby ou une mode », plaidait déjà Arnaud Lagardère en annonçant, l'an dernier, la refonte de la division sport de son groupe et, par la même occasion, l'acquisition de Best, une société américaine spécialisée dans la représentation d'athlètes. Le patron du groupe médias clamait haut et fort son souhait de devenir leader mondial du secteur d'ici cinq ans. C'est dire qu'il ne doute pas de l'opportunité d'investir dans le sport.

Et les prévisions des instituts lui donnent raison. Selon le cabinet PricewaterhousecCoopers, le marché du sport pèserait environ 125 milliards de dollars en 2011 . De quoi donner envie aux marques, à toutes les marques, pas seulement à celles dont l'activité est liée aux sports, de se lancer dans la mêlée. La dernière Coupe du monde de rugby, qui s'est déroulée en Nouvelle-Zélande entre septembre et octobre dernier, a montré que les annonceurs ont massivement adhéré au business de l'ovalie. Exemple le plus probant: Heineken, qui a mené une communication à 360 degrés lors de cet événement. Pour devenir l'un des sponsors officiel de la Coupe du monde de rugby, le brasseur néerlandais a déboursé 20 millions de dollars. Il a alors obtenu le monopole de vente de bière dans les stades. L'annonceur a, dans le même temps, lancé son plan d'activation, This is the Game. Durant la compétition, il a multiplié les occasions de contacts en diffusant des spots TV autour des valeurs du rugby (respect de l'arbitre, de l'adversaire) durant la mi-temps ou dans les stades et en publiant des vidéocasts sur les média sociaux. Ces vidéocasts, signés Carling, l'une des marques du groupe, mettaient en scène six anciennes gloires du rugby international. Le brasseur a aussi misé sur l'interactivité avec l'application mobile «Heineken Rugby Club House» qui permettait aux amateurs de rugby de rejouer les essais et pénalités de leur équipe 24 heures après les matchs et de découvrir les analyses des experts. Mais la fonctionnalité phare de l'application réside dans la possibilité de localiser les «Heineken Club House», des lieux privatisés et aménagés par la marque, où l'on pouvait vivre la Coupe du monde de rugby dans le plus pur esprit de la marque. Une façon astucieuse d'allier géolocalisation et événementiel.

Un résultat inespéré pour la marque.

Entre février et novembre 2011, Renault a vendu plus de 9 000 véhicules de sa gamme XV de France.

L'effet Mondial 1998

Pour Bruno Bianzina, directeur général adjoint de l'agence conseil Sport Market, le cas Heineken est courant dans le monde du sport: « De manière générale, les annonceurs viennent d'abord vers le sport pour accroître leur visibilité. Ensuite, ils veulent donner de la chaleur à leur marque. Enfin, ils veulent toucher une communauté de fans et les transformer en consommateurs. »

Mais pourquoi un tel empressement des annonceurs à investir ce secteur? Pour Michel Desbordes, professeur de marketing du sport à l'ISC-Paris, l'année 1998 marque «la fin de la préhistoire» de cette discipline en France: « La victoire des Bleus au Mondial 98 et la dynamique économique qui a suivi cette compétition dans le pays a interpellé des entreprises qui ont découvert qu'elles pouvaient améliorer leur image et réaliser des profits via le sport. » Et « si l'économie du sport s'est autant développée, ajoute l'enseignant, c'est en bonne partie grâce à l'extension des congés payés et à l'augmentation du temps libre ainsi qu'à la retransmission télévisée des sports (voir encadré p 34) .»

Pour s'assurer d'une meilleure visibilité, les équipementiers sportifs se livrent de véritables guerres mondiales. Exemple type: le duel que se livrent Nike et Adidas. L'américain Nike a coupé l'herbe sous le pied de son principal rival en devenant le nouvel équipementier de l'équipe de France de football de 2011 à 2018. Pour chiper la vedette à Adidas, qui habillait les Bleus depuis 1972, la marque au swoosh, la fameuse virgule, a dépensé 320 millions d'euros.

Une somme bien éloignée des 10 millions d'euros acquittés par la marque aux trois bandes en 2004, date du dernier renouvellement du contrat.

D'après Vincent Duluc, journaliste au quotidien sportif L'Equipe, cette surenchère n'a rien de surprenant: « Nike est venue chasser sur les terres d'Adidas en Europe et en France afin de devenir leader dans le monde. » La marque veut atteindre 2,5 milliards de dollars de bénéfices nets d'ici 2015. Pour y parvenir, elle cible les jeunes: « Nike vise le footballeur passionné de 12-20 ans qui veut que son équipe gagne et joue sur une image davantage subversive qu'Adidas pour les convaincre. » Pour contrer la percée du groupe américain en France, Adidas va marcher sur les platebandes de Nike dans le rugby: à partir de juillet 2012, le groupe allemand prendra la place de son concurrent en sponsorisant à son tour le XV de France.

Toutes les marques alimentent le sport business et montrent de plus en plus d'appétit pour cet exercice. Le rapport commandité par MasterCard (partenaire de la Coupe du monde de rugby) et réalisé par le Centre international du business du sport de Coventry, montre que cette dernière Coupe du monde de rugby a généré 1,67 milliard de dollars pour l'économie mondiale du sport. « Ce tournoi est sans précédent. Jamais une Coupe du monde de rugby n'aura suscité autant d'intérêt dans le monde, indique Dave Arthur, chercheur au Centre des affaires internationales du sport. Et cette frénésie se répercute inévitablement sur l'intérêt commercial porté à la manifestation.»

Le constructeur automobile Renault a très bien surfé sur cette vague. La série spéciale XV de France a rencontré un bon succès: 9 000 Clio et Mégane ont été écoulées entre février et novembre 2011. La marque au losange a aussi organisé des opérations «portes ouvertes», avec théâtralisation de ses 5 000 points de vente (ballons de rugby géants, PLV ambassadeurs, vendeurs aux couleurs du XV de France) puis diffusé un film publicitaire mettant en scène trois joueurs de l'équipe de France (Imanol Harinordoquy, Sylvain Marconnet et Morgan Parra) . Renault a aussi accueilli les joueurs de l'équipe de France pour une journée de pilotage sur circuit.

Le paysage médiatique se transforme

- 2,1 milliards d'euros. C'est le montant remporté par la Fédération internationale de football (FIFA) grâce à la vente des droits TV de la dernière Coupe du monde de football. Une somme astronomique, certes. Mais qui est à rapporter aux 26 milliards de téléspectateurs que cet événement a rassemblé (source: Fifa). De quoi démontrer que le football est le sport qui dispose de la plus importante couverture médiatique télévisuelle. Et, d'autre part, que le marché du spectacle sportif et plus particulièrement celui du sport télévisé, constitue la plus grande part du marché des services liés au sport. Rien de plus normal puisque les relations économiques entre le sport et la télévision sont basées sur une convergence d'intérêt. Si le sport est un gisement d'audience capital pour la télévision, il contribue, en retour, aux recettes publicitaires des chaînes de télévision, d'autant plus que les annonceurs sont attirés par les émissions à forte audience. Après les bons scores d'audience réalisés par Direct 8 grâce à l'équipe de France féminine de football pendant le Mondial 2011, France 4 et Eurosport s'engouffrent dans la brèche. Elles diffusent, cette saison, le Championnat de France de football féminin. Les droits représentent 110 000 euros (contre 500 millions d'euros par an pour la Ligue 1).
Mais la télévision n'est plus la seule à se tailler la part du lion. Internet s'incruste désormais dans les stratégies de marketing sportif. Selon une étude de Havas Sports & Entertainment sur la consommation du sport par les européens, Internet grignote son retard sur le petit écran (respectivement 67 %, contre 76 %, en France).
Plus important encore, 25 % de cette consommation sur le Web se fait via les médias sociaux (Facebook et Twitter, notamment). Les raisons de l'émergence de ce média? L'avènement du streaming legal sur Facebook et surtout la possibilité de toucher un public jeune et souvent fan de sport. Certaines marques lancent même leur propre web-tv sportive, à l'image de Rip Curl qui couvre les différentes compétitions de surf dans le monde. Autre exemple, avec la BNP Paribas qui a ouvert un site internet consacré à l'actualité du tennis, «We are Tennis» et avec Samsung, qui a lancé sa web-série sur le rugby («Les Nouveaux rugbymen») sur les plateformes vidéo et sur les réseaux sociaux.

Renault a tourné un film publicitaire avec trois joueurs de l équipe de France de rugby.

Renault a tourné un film publicitaire avec trois joueurs de l équipe de France de rugby.

Le spectacle sportif, une expérience pour le consom'acteur

« Le rugby répond à un besoin de Renault sur le marché français, c'est un territoire d'expression complémentaire pour nourrir la relation avec nos clients et animer notre réseau », affirme Guillaume Josselin, directeur marketing et communication France de la marque. Mais le constructeur ne s'arrête pas en si bon chemin. En juillet dernier, il a lancé, conjointement avec Provale, le syndicat des joueurs professionnels de rugby, une initiative autour de la reconversion professionnelle des joueurs en fin de carrière. But de l'opération: réaliser 1 500 recrutements en CDI. Et, accessoirement, jouer le partenariat responsable en donnant une seconde vie professionnelle à des retraités trentenaires. « Nous réaffirmons toute la dimension humaine et proche du groupe Renault et de son réseau », continue Guillaume Josselin. Groupe qui se sent proche de l'univers de l'ovalie: « ce sport véhicule des valeurs qui nous parlent et que nous souhaitons faire rayonner dans l'ensemble de nos entités. » Renault n'est pas le seul groupe à se prêter au jeu du partenariat responsable pour améliorer son image de marque. BNP Paribas a associé son image à celle du tennis, en France (Roland-Garros) et dans le monde (Cup Davis, Fed Cup). Depuis le printemps dernier, la banque est également le sponsor titre de la plus importante compétition de tennis en fauteuil roulant, baptisée BNP Paribas World Team Cup (ce partenariat prendra effet en 2012, pour une durée de cinq ans). « En nous impliquant dans le développement mondial de la pratique du tennis en fauteuil nous pouvons concilier sponsoring et mobilisation en faveur de la diversité », souligne Antoine Sire, directeur marque et communication du groupe BNP Paribas. Cette mobilisation en faveur du sport en général et du sport pour handicapés en particulier, porte ses fruits: selon les derniers résultats de l'étude du cabinet Sportlab, BNP Paribas demeure le sponsor sportif le plus cité par les Français en 2010 (devant Carrefour et Coca-Cola), avec 34 % de réponses en sa faveur. Comment la marque s'est-elle hissée au sommet du podium? Grâce à sa constance: son partenariat dans le tennis dure depuis une quarantaine d'années. Mais le groupe ne se contente pas de mettre sa marque en valeur dans un contexte sportif. Il parvient à transmettre une réelle expérience aux spectateurs pendant l'événement. Le stade doit être conçu pour favoriser cette expérience de recherche de consommation. Car pour Michel Desbordres (ISC Paris), « l'heure n'est plus au marketing transactionnel. Les individus sont devenus exigeants et considèrent le spectacle sportif comme un concurrent de Disneyland » . C'est pourquoi les marques n'hésitent plus à monter de véritables shows lors d'événements sportifs. Au point de faire entrer le sport dans une nouvelle ère, celle de l'entertainment. Le tournoi BNP Paribas Masters (à Paris Bercy, du 5 au 13 novembre 2011) est un cas de figure: depuis 2007, il implique le spectateur en le faisant participer sur le court. Idem pour le Stade Français de rugby à Paris qui, via son président Max Guazzini, est réputé pour ses célèbres shows d'avant-match.

Du marketing sportif à l'expérientiel

Les entreprises délaissent de plus en plus le marketing des produits sportifs pour celui des services sportifs, ce dernier étant doté d'une dimension émotionnelle plus propice au déclenchement de l'acte d'achat. Le marketing expérientiel se focalise sur la théâtralisation du point de vente pour créer une ambiance d'excitation qui nourrit un monde d'émotions autour de la marque.

Ce concept, la RATP (Régie autonome des transports parisiens) l'a parfaitement intégré. Fournisseur officiel du XV de France, l'entreprise de transports a proposé, tout au long de la Coupe du Monde de rugby, une série d'animations sur son réseau. Ateliers «touche» et «mêlée», quizz pour tester ses connaissances, espace exposition et séance d'autographes pour conserver des souvenirs de cette expérience. Le tout dans un espace de 250 m² baptisé le Rugby Park, installé à la station RER Auber. La RATP a tenté cette expérience pour se doter d'une image plus conviviale. « Nous avons monté cette opération en accord avec notre slogan «Animer la ville», explique Isabelle Ockrent, directrice de la communication de la RATP. Le rugby et la convivialité qui le caractérise constituent un support très attractif pour la politique d'animation du réseau de transports de la RATP. Il nous permet de partager des moments de détente, de découverte et d'échange avec les voyageurs. » Mieux, pour augmenter sa notoriété de marque pendant cette Coupe du monde, le réseau s'est offert les services du rugbyman le plus célèbre de France, Sébastien Chabal.

Sponsoring: un choix tactique

Outre l'événementiel et l'expérientiel, les marques misent sur le sponsoring dans la durée. Nombre d'entre elles s'associent à un athlète pour mettre en avant leurs valeurs. En septembre, Castrol a choisi le footballeur Ronaldo pour devenir l'ambassadeur de la marque de lubrifiants moteurs. « Il était naturel de s 'associer à une star du football, qui plus est passionnée par le monde de l'automobile », commente Annick Joulin, responsable sponsoring chez Castrol. La marque, qui est partenaire de l'Euro 2012 et de la Coupe du Monde 2014 de football, a réalisé un documentaire d'une heure avec Ronaldo pour lancer le nouveau produit, Castrol Edge. Ce documentaire, baptisé «Ronaldo Tested To The Limit», montrera le footballeur confronté à une série d'exercices d'adresse, de précision, de force et de vitesse.

Quel rapport pourtant entre une marque de lubrifiant et un joueur de football? « Cette association peut paraître antinomique mais nous avons fait le choix du football en 2008 pour augmenter notre notoriété auprès des hommes. Nous associer aux meilleurs joueurs est une façon de montrer que nous sommes à la pointe de la technologie », explique Annick Joulin. Et le résultat est plutôt satisfaisant: « La notoriété mondiale de la marque a déjà progressé de 25 % depuis la Coupe du Monde 2010 », assure-t-elle

Même question pour Groupama. Pourquoi l'assureur a-t-il choisi d'investir dans les courses de voile, un univers sans amarres réelles avec son activité? « Groupama avait une image trop agricole auprès de la population, explique Sophie Roy, responsable sponsoring du groupe. La voile est un sport tourné sur la nature et ouvert sur le monde. A travers cet engagement dans la voile de compétition, nous avons pu insuffler une dimension plus internationale et affirmé la personnalité d'un groupe humaniste, bâtisseur et durable. »

Et ça marche. Groupama, qui est la marque française la mieux mémorisée dans l'univers de la voile, fait partie du top 10 des marques les plus retenues par les Français dans le sport (source: Sportlab) . En s engageant cette année encore sur la Volvo Ocean Race (course autour du monde en équipage, avec escales), le groupe confirme que la voile est la colonne vertébrale de sa stratégie de marketing sportif.

L'émergence du naming dans le sport

Selon Michel Desbordes (ISC-PAris), le sponsoring sportif suppose de suivre quelques règles simples. « Un sponsoring cohérent comme Rolex et le golf ou Mercedez-Benz dans les sports motorisés ne suffit pas toujours à faire du sponsoring une action lucrative. A l'image de ce que fait Groupama, le sponsoring doit être un partenariat véritable, avec des objectifs communs et une volonté d 'activation mutuelle entre le sponsor et l'entité sportive. » Mais la nouvelle notoriété de Groupama a un coût: le groupe investi 17 millions d'euros dans la voile, soit 20 % de son budget total de communication.

MMA, explore une autre formule. Au début de l'année, le groupe d'assurance mutuelle a donné son nom au stade de football de la ville du Mans. C'est la première opération de sponsoring de ce type en France. Le nom de cet écrin? La MMArena. La mutuelle du Mans a déboursé 13 millions d'euros sur dix ans pour apposer son logo bleu, vert et orange sur la façade de l'enceinte, de manière à ce qu'il apparaisse à l'écran lors des 24 Heures du Mans. Le groupe a aussi versé 1 00 000 euros pour que l'arrêt du tramway desservant le stade s'appelle MMArena. Enfin, il a obtenu de Cofiroute que le nom du stade soit signalé sur les grands axes de l'agglomération.

Le naming pourrait bien se démocratiser. Pour MMA, en tout cas, la démarche est déjà une réussite. « Dans les trois semaines suivant l'inauguration, le terme «MMArena» a été cité 816 fois dans la presse et 43 fois à la télé et à la radio, soit l'équivalent de 959 000 euros d'achat d'espaces publicitaires », avance Bruno Lalande, directeur sport chez Kantar Media. De quoi susciter de nouvelles vocations pour les marques. Et promettre un avenir radieux au marketing sportif.

 
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DAMIEN GROSSET

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