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Les trois petits cochons de la presse gratuite

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L'arrivée d'un troisième quotidien, Matin plus, le 6 février dernier, est venu déstabiliser le marché de la presse gratuite du matin jusque-là partagé entre 20 minutes et Metro. Pour lutter contre la confusion, ces trois journaux doivent se créer une identité forte.

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Vous vous souvenez des trois petits cochons qui, pour que le grand méchant loup ne puisse entrer et les manger, construisirent leur maison… Je prenais le TGV et reçu les trois gratuits du matin : Matin plus, le petit dernier, fils du Monde, 20 minutes, dirigé par un ancien de Libération, et Metro, le plus ancien créé par un grand groupe international. Chacun des trois gratuits du ma t in, comme les trois petits cochons, a été conçu pour résister au grand loup de la désinformation. Dans le conte, comme en marketing, on trouve un petit, un moyen et un plus grand, un “good”, un “better” et un “best”, les trois niveaux d'une même réalité adaptés selon l'implication des consommateurs ou des lecteurs. Et de ce fait, il y a effectivement trois formats, du plus petit au plus grand, 20 minutes, Matin plus et Metro. Mais le plus petit n'est pas le plus naïf. 20 minutes est le plus engagé. Deux tiers de la première page sont politiques et polémiques et dénoncent les politiques qui ont signé et oublient déjà le pacte écologique et la “chasse au candidat Bayrou” chez France 2. Le moyen, le plus jeune, Matin plus, est aussi le plus léger en traitant des fumeurs, de la loi anti-tabac et des idées de loisirs pour occuper les enfants pendant les vacances. Sans oublier Charles Aznavour en concert. Le plus grand, Metro, avec sa fabrication internationale, pose la grande question d'actualité: “Ce que la jeunesse mondiale a en tête : votre monde est-il meilleur que celui de vos parents ?”. La réponse de Mike, 25 ans, promeneur de chiens (Etats-Unis) résume bien la page : « Mon père avait un travail et ma mère m'avait, moi. Je crois que c'est pareil. » Un marché à trois acteurs est bien souvent un marché instable. Comme un couple ou une famille à trois. Il y avait le “petit 20 minutes bien de chez nous” avec ses préoccupations locales et le “grand Metro plutôt cool et venu d'ailleurs”. J'avais l'impression que mes Vincennois, le matin, préféraient largement le petit avec ses préoccupations plutôt politiques.

Là, que va faire le public ?

Certes, les papivores vont se charger la musette jusqu'à plus soif d'informations. Mais les autres ? Deux gratuits du matin et deux du soir eussent été l'idéal. Mais on ne peut tout de même pas demander au Monde de s'autoconcurrencer, d'autant plus que son allié, le groupe Bolloré, se retrouve le matin allié avec Le Monde et le soir en concurrence apparente avec celui-ci sous le nom de Direct Soir. Mais le fond et la forme de ce dernier seraient plutôt des concurrents de France Soir qui, bien sûr, sort… le matin. Si vous avez compris quelque chose dans ce mic-mac de presse quotidienne et gratuite, vous êtes vraiment fortiches ! La panique sur un marché est sans doute la cause la plus génératrice d'erreurs marketing. Une marque de presse est vraiment une marque par sa capacité à mobiliser, à créer de la fidélité et des identités profondes. Ces marques devraient s'interroger sur leurs identités et analyser comment les valoriser et les utiliser “commercialement” dans d'autres domaines que l'écrit, à commencer par toutes les licences dont les émissions de TV savent très bien tirer parti. Au lieu de cela, elles s'imaginent faire de la stratégie de haut vol contre leurs concurrents avec des mauvaises copies. La confusion n'a jamais fait de grandes marques mais des petits cochons, proies faciles pour les grands méchants loups avides de naïveté.

 
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GEORGES LEWI, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU BEC-INSTITUTE, CHARGÉ D'ENSEIGNEMENT À LA SORBONNE (CELSA) ET À HEC.

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